Asma LAMRABET

A l’occasion de l’ouverture du centre de formation et d’études sur les relations interreligieuses au sein de la Rabita des Oulémas du Maroc

A l’occasion de l’ouverture du centre de formation et d’études sur les relations interreligieuses au sein de la Rabita des Oulémas du Maroc

24 Février 2016

L’inauguration du centre de recherche et de formation en relations interreligieuses au sein de l’institution religieuse de la Rabita des Oulémas du Maroc est un grand évènement dont la portée symbolique va au-delà du  cadre théorique de l’interreligieux.  

Il faudrait d’abord rappeler que ce centre, unique au sein du monde arabo-musulman, se veut comme pionnier pour l’initiation d’un véritable travail de fond sur les relations interreligieuses qui dépasserait le consensus classique du dialogue interreligieux.

Lors du dernier congrès sur « les droits des minorités religieuses en « terres d’islam » organisée au Maroc le 6 février 2016, le message royal tout en encourageant fortement cette initiative, s’étonnait du fait que l’on soit encore en train de nous poser ce genre de questions au sein du monde musulman, alors  que tant les prescriptions et les enseignements de l’islam et du patrimoine islamique en la matière sont connues

 Après cette rencontre organisée par le Maroc il y a quelques semaines, voici une autre rencontre pour réaffirmer la volonté de ce pays Terre plurielle et riche par sa culture de la bienveillance, de refuser justement que l’on dénature cette culture et de refuser de céder à la peur et à l’angoisse identitaire. Il y a aujourd’hui au Maroc une véritable volonté politique qui s’efforce de construire, de pérenniser  et de tisser les liens humains de paix et de fraternité. 

En effet, devant les évènements tragiques que notre monde traverse, produit de  l’instabilité géopolitique, du terrorisme et de la violence sous toutes ses formes : identitaire, économique, militaire, écologique ect… ; nous sommes obligés,   devant le défi de ce chaos mondialisé,  de redonner à nos référentiels spirituels un sens commun.  Un sens commun qui puisse faire face à nos peurs respectives. Notamment celles des tensions archaïques et des discours sur l’Autre et de la théorie du « Eux et Nous ». Celles de « nos » valeurs et de « leurs » différences », de nos « libertés » et  de leurs « barbaries »… Il est essentiel aujourd’hui de retrouver le sens commun de notre éthique religieuse au sein de ce monde minée par  nos jugements essentialistes,  notre incompréhension mutuelle et nos visions ethnocentriques.

Aujourd’hui Il faut, devant le discours de la violence, de la haine et des idéologies meurtrières, offrir à l’humanité de nouvelles clés de lecture d’un religieux transformé en une  spiritualité  positive et pacifiée. Et cela ne peut se faire qu’à travers ce que l’on en a en commun tous, autrement dit,  les valeurs socles de nos message et de leur universalité telles que :   la libération humaine,  l’égalité de tous les êtres  humains, la dignité humaine,  la liberté de conscience,  les impératifs de justice, le respect de la diversité et de pluralité tels que voulues par le Créateur.  Et c’est à travers ces valeurs de l’amour et du respect de l’autre qu’il faudrait savoir réinterpréter aujourd’hui  nos Textes respectifs et les appréhender  comme une éthique au service de notre humanité.  

Et la reconnaissance mutuelle, sujet de notre débat au sein de cette conférence, doit passer inéluctablement par l’enseignement du religieux à travers ces valeurs communes, cœur de notre sagesse spirituelle.

La reconnaissance mutuelle c’est lutter ensemble contre la stratégie de rupture des extrémistes qui au nom d’un religieux défiguré, veulent nous enfermer dans la logique d’un monde binaire, celui de la confrontation et de la guerre.

L’on pourrait aussi se demander pourquoi avec tant de tentatives de dialogues interreligieux  il y a si peu de progrès dans le concret de nos réalités communes ?  C’est peut être que nous n’avons pas encore fait l’effort vraiment d’accepter l’autre et de faire les concessions qu’il faut pour que l’on passe de la compréhension à la véritable acceptation.

Et le premier pas à réaliser serait sans doute de reformuler l’exigence d’une démocratie théologique de la reconnaissance.

On ne peut pas continuer à parler chacun à partir de son piédestal culturel et religieux.  La logique du rapport dominés /dominants est le terrain fertile pour toutes les frustrations. Il est donc urgent aujourd’hui de lutter contre  l’esprit qui nourrit les radicalismes de tout genre  et qui veut absolument imposer le choc des civilisations, or aujourd’hui s’il existe un choc c’est bien celui de la domination contre celui de la fraternité humaine. Et cette fraternité humaine, telle que voulue et transmise par nos Textes religieux respectifs,  c’est le seul rempart contre la déshumanisation créée par la logique des extrémismes de tous bords. . Il est donc temps que l’on reconstruise cette fraternité humaine à partir justement d’une reconnaissance spirituelle mutuelle et sincère…

 

 Asma Lamrabet

À propos de l'auteur

ASMA LAMRABET

Native de Rabat (Maroc), Asma Lamrabet, exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d'Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.

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