Asma LAMRABET

Une Fatwa “incongrue” …

Le Conseil supérieur des Oulémas du Maroc énonce sa première
Fatwa depuis sa création comme instance juridique religieuse en
affirmant que la femme n’est pas habilitée à diriger la prière…
Pour une première Fatwa, le Conseil des Oulémas a choisi un thème
de prédilection récurrent dans le monde musulman à savoir celui de
fustiger l’éternelle victime du discours religieux : la femme…
Sur quel débat polémique ou interprétation erronée, s’est basé le dit
Conseil pour émettre une telle Fatwa ?
L’imamat de la femme ne fait nullement partie des revendications de
la femme musulmane, qu’elle soit marocaine ou
autre…L’inconvenance de la Fatwa c’est, qu’en plus d’être
franchement inopportune, elle vient verrouiller, de façon préventive,
le champ du débat religieux en prétendant trancher de façon absolue
sur une problématique qui n’a pas eu lieu…
Au-delà des raisons politico-médiatiques qui ont justifié cette
sentence juridique, il apparaît encore une fois que la femme
musulmane est otage d’un débat qui fait l’impasse sur sa propre
volonté, ses aspirations et ses réelles revendications…Le statut de
la femme tel qu’il est incarné dans une certaine jurisprudence
traditionnelle a besoin de réformes profondes et radicales…Ce n’est
pas l’Imamat de la femme musulmane qui va régler les problèmes en
instances ni changer les mentalités rétrogrades envers cette moitié
de la société…
Il est malheureux de constater que cette Fatwa donne l’impression
que les détenteurs du discours officiel sur l’Islam, ont eu besoin de
« re-délimiter » les lignes de démarcation –très masculines- contre
toute tentative de réforme réelle et profonde du débat sur l’islam
notamment celui concernant la problématique du statut de la femme.
C’est comme si à travers ce « faux » problème, on aspirait finalement
à éluder les véritables attentes de la société marocaine où la femme
que l’on veuille ou pas reste prisonnière d’une juridiction religieuse à
mille lieux de ses préoccupations quotidiennes.
Au lieu de ré -ouvrir les portes d’un véritable Ijtihad de fond on
s’acharne à ré-ouvrir celles des « spéculations juridiques » tel que le
fameux concept du Fiqh islamique : Sad addaraii, véritable dispositif
juridique préventif qui à travers les siècles de décadence islamique a
institutionnalisé la culture officielle de subordination des femmes…
C’est ce que transmet cette Fatwa dont le contenu n’est qu’un
témoignage en plus d’une pensée islamique qui reste
malheureusement une pensée éternellement « assiégée »…
Asma Lamrabet

À propos de l'auteur

ASMA LAMRABET

Native de Rabat (Maroc), Asma Lamrabet, exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d'Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.

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