Asma LAMRABET

UNE RELECTURE DU CONCEPT CORANIQUE DE QIWAMAH, OU AUTORITE DE L’EPOUX.

 Une relecture du concept coranique de Qiwâmah », ou autorité de l'époux.

 

Asma Lamrabet

 

Malgré l’acceptation universelle d’une discrimination envers les femmes inhérente à toutes les cultures et religions, l’islam, reste celui qui, actuellement, est le plus interpellé sur cette question, voire le plus souvent mis sur la sellette et stigmatisé pour ses pratiques inégalitaires envers les femmes. La centralité de cette thématique « femmes et islam » dans les débats contemporains fait qu’elle devient difficile à appréhender de façon objective et ce d’autant plus qu’elle reste le plus souvent perçue à travers un double prisme : celui de l’actualité médiatique internationale - avec son corollaire de stéréotypes et d’islamophobie rampante - et celui de l’idéologie socio-politique régnante dans la majorité des sociétés musulmanes.

 

La question qu’il convient de poser ici est bien celle-ci : Les critiques envers l’islam en général et les femmes en particulier sont-elles toutes à mettre sur le registre de cette vision manichéenne du monde ou bien existe-t-il une part importante inhérente à la tradition islamique ?

Il est vrai que les deux visions restent étroitement imbriquées mais force est de constater que parmi toutes les critiques faites inlassablement à l’islam et aux musulmans, celle concernant la thématique des femmes, malgré sa médiatisation forcenée et une instrumentalisation qui frise parfois l’indécence, s’avère être bien fondée.

La rhétorique du discours justificatif et apologétique de « l’islam honore les femmes et leur donne tous les droits » prônée par un grand nombre de penseurs musulmans, depuis la Nahda, renaissance arabe, et toujours en vogue actuellement, s’est considérablement essoufflée ; elle est même devenue incongrue devant la réalité contradictoire dans laquelle vivent une grande majorité de musulmanes. Ce discours traditionaliste, constamment sur la défensive, ne fait que renforcer les musulmans dans leur posture de victimisation postcoloniale, tout en repoussant indéfiniment le vrai travail de réforme et d’autocritique, ou Ijtihâd, indispensable à l’émergence d’une nouvelle pensée musulmane.

Questionner l'islam comme référentiel

Il est tout à fait légitime actuellement de questionner l’islam en tant que référentiel incontournable de la majorité des pays musulmans, devant une réalité socioculturelle qui persiste à maintenir les femmes dans des situations de subordination et de discrimination, au nom de ce même référentiel.

Est-ce vraiment les sources scripturaires de l’islam qui justifient la répudiation, le mariage forcé, l’analphabétisme, la polygamie, la violence contre les femmes, la tutelle juridique des femmes ou la discrimination en matière d’héritage ?

Il reste très difficile de répondre, de façon objective et cohérente, à tous ces questionnements devant l’étendue des préjudices accumulés dans la réalité des sociétés musulmanes par une juridiction islamique sclérosée qui continue dans une grande partie du monde musulman à cautionner officiellement la discrimination des femmes au nom de l’islam.

C’est devant ce constat et ces faits, que voilà une vingtaine d’années, des voix, notamment féminines, se sont levées pour contester cette culture de discrimination au nom de l’islam. Des femmes, mais aussi quelques hommes, ont décidé d’aller puiser directement dans les sources, à savoir le Coran et la tradition authentique du prophète, ainsi que dans différents ouvrages classiques d’exégèse afin de voir  ce qu’il en est réellement[1]. Ces différentes études ont ouvert une nouvelle perspective, longtemps ignorée dans les sciences islamiques, celles d’une relecture des textes sacrés de l’islam à partir d’une vision à la fois réformiste et féminine.

Le résultat a été édifiant  de par les différentes constatations qui en ont été faites et notamment celle de l’énorme décalage qui existe entre le texte et le vécu juridique et social des musulmanes et musulmans.

Un réel malentendu entre l'esprit du Coran et l'exégèse classique

En effet, ces études ont permis de confirmer qu’entre l’esprit du Coran d’une part et les ouvrages classiques d’exégèse (tafâsîr) et de droit musulman d’autre part, il y a un réel malentendu : les lectures interprétatives élaborées par des savants influencés par leur environnement socio-culturel fortement patriarcal ont forcé le texte et donné lieu à des interprétations sexistes dont certaines ont été parfois à l’encontre des finalités,   voire des prescriptions du message spirituel.

La prédominance de la lecture littéraliste a pris le dessus au détriment d’une lecture spirituelle contextualisée, ce qui a figé le texte et même tué la parole. Le résultat est que l'on a des compilations d’exégèse qui datent des premiers siècles de l’islam et qui sont encore de mise actuellement dans les plus grandes universités islamiques.

Cette relecture féminine des textes a aussi mis en évidence l’existence au sein du Coran d’une véritable pédagogie divine de libération des femmes qui a été détournée, dévalorisée et écartée par la lecture patriarcale de l’orthodoxie islamique. La citadelle du savoir religieux étant, depuis presque toujours, monopolisée par des savants de sexe masculin, ces derniers se sont autoproclamés gardiens du Sacré et ont interdit le droit d’accès au savoir religieux aux femmes, afin de pérenniser leur domination au nom de ce même Sacré.

Grâce à leurs recherches théologiques et académiques, des femmes musulmanes, aussi bien en terres d’islam qu’en Occident, tentent de démontrer aujourd’hui, arguments coraniques à l’appui, que le discours sur l’égalité entre hommes et femmes est complètement valide de l’intérieur de l’islam et que les sources scripturaires de l’islam ne constituent en aucun cas une entrave à l’instauration des droits égalitaires entre hommes et femmes.

 

Développer une relecture des textes sacrés à partir d'une perspective féminine

 

Pour étayer notre propos nous allons développer comme exemple de relecture des textes sacrés de l’islam à partir d’une perspective féminine, celui du concept  coranique de Qiwâmah, traduit le plus souvent, dans la tradition exégétique et  l’imaginaire musulman, par « l’autorité absolue » octroyée par Dieu à l’homme musulman.

 

En effet, parmi les arguments coraniques, maintes fois réitérés, pour démontrer  « islamiquement parlant » la « supériorité absolue » des hommes sur les femmes, c’est, sans aucun doute, le concept de Qiwâmah qui est le plus cité et le plus évoqué. Aussi bien chez certains Oulémas que pour les croyants musulmans, cette notion coranique renvoie systématiquement au pouvoir masculin dans toute sa grandeur.

 

C’est là l’une des plus grandes croyances préconçues qui a forgé l’esprit des musulmans pendant des siècles et qui suppose que le Coran a définitivement décrété  l’autorité absolue de l’époux sur son épouse, voire, pour certains,  l’autorité de tous les hommes sur toutes les femmes.

 

Le concept de Quiwamah provient du terme coranique « Qawâmûn » ou « Qawâmîn », tous les deux étant des formes plurielles du terme « Qawâm » qui, lui, provient de la racine « qwm » et qui dans la langue arabe peut avoir jusqu’à trente significations comme : se lever, s’exécuter, entreprendre, accomplir, procéder, se redresser, pourvoir, s’insurger, supporter,  « porter » …

 

Le terme Qawâmûn ou Qawâmîn - qui correspond à la perfection de l’acte « Qâma » - est retrouvé dans trois différents passages coraniques.

 

Le verset le plus cité et légendairement reconnu comme affirmant la supériorité des hommes tient son origine du passage coranique suivant :   « Les hommes sont « qayâmûn » sur les femmes en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur ceux-là (ba'da-hum 'alâ ba'd) (mette un point sous les « d ») et aussi en raison des dépenses qu’ils font de leurs biens. » Coran 4 /34.

 

Quant aux deux autres versets qui évoquent aussi ce concept, ils sont respectivement retrouvés dans Coran 4 /135 : « Ô vous qui croyez soyez (qayâmîn) rigoureux dans  l’équité (al-qist) (mettre un point sous le « t ») de votre témoignage fût ce contre vous mêmes, vos parents ou vos proches. Que ce témoignage concerne un riche ou un pauvre, Dieu est plus connaisseur de leur intérêt que vous . Ne vous fiez pas à vos impulsions au détriment de l’équité et sachez que si vous portez un faux témoignage ou si vous refusez de témoigner, Dieu est de tous vos actes parfaitement Informé ».

 

Et enfin, dans Coran 5 /8 : « Ô vous qui croyez, soyez (qâwamîn) stricts dans votre comportement envers Dieu (shuhadâ li-llah) et que l’aversion que vous avez envers un peuple (ou gens) ne vous incite pas à commettre des injustices, soyez équitables vous n’en serez que plus proches de la piété. »

 

Avant d’étudier de plus près le verset qui invoque la soit disante autorité masculine  et  pour rester fidèle à l’approche globale du Coran et à sa cohésion interne, il faudrait, dans un premier temps, évaluer al- Qiwâmah à l’aune des deux autres versets qui en parlent et qui s’adressent à l’ensemble des hommes et des femmes.

 

Concernant les deux versets (Coran 4 /135) et (Coran 5 /8) la majorité des commentateurs s’accordent à préciser qu’il s’agit là d’une exhortation divine envers les croyants et les croyantes afin qu’ils respectent des valeurs primordiales telles que la justice, l’équité et l’impartialité dans leurs jugements, actes et comportement envers autrui. 

 

En effet, dans ces deux versets, revient cette injonction première « kûnû qawâmîn bi-l- qist », (mettre un point sous le « t ») autrement dit soyez stricts et rigoureux dans la mise en œuvre de votre sens de l’équité, tel que cité dans le premier verset et « kûnû qawâmîn shuhadâ li-llah » soyez déterminés et minutieux dans vos témoignages dans le second verset. 

 

Le respect inconditionnel des valeurs d'équité et de justice

 

Dans les deux versets, le respect inconditionnel de ces valeurs de l’équité et de la justice est réitéré en insistant sur leur importance même – et surtout – quand il s’agit d’appliquer un jugement contre soi, envers des proches, des personnes riches ou  pauvres, ou même quand il s’agit d’un peuple ennemi ou de gens envers qui on a de la rancœur ou de l’aversion pour une cause ou une autre.

 

Il est à rappeler que pour le verset 135 de la sourate 4, les textes concernant les  circonstances de révélation (asbâb al-nuzûl) rapportent que ce verset a été énoncé lorsqu’un homme riche et un autre pauvre sont venus régler leurs différends auprès du prophète qui a alors  émis un jugement en faveur du pauvre, pensant que ce dernier ne pouvait être injuste[2].

 

Quant au verset 8 de la sourate 5, la tradition rapporte qu’il a été révélé alors que les musulmans étaient en conflit avec la tribu juive de Banû Nadhîr. Le verset a été révélé afin d’inciter les musulmans à se comporter avec bienveillance et probité envers ceux, parmi les croyants de la tradition hébraïque, qui étaient en conflit avec eux à l’époque. Le Coran leur recommande de rester juste et équitable malgré les ressentiments et l’animosité qu’il y avait entre des deux communautés à cette époque[3]

 

« Al–Qîwâmah » dans ces deux versets peut être donc traduite comme cette formidable exigence de justice qui doit animer le cœur et la conscience de tout croyant et de toute croyante. Cette Qîwâmah ou cette exigence de soi dans l’équité, la justice et la rigueur du jugement, est une des recommandations majeures du message coranique. C’est là le sens profond du terme qawâmûn qui stipule une conscience morale impartiale autrement dit la perfection de soi dans l’équité et dans le témoignage impartial.

 

« aA Qîwâmah » dans la justice, l’équité et le témoignage, symbolise cette valeur intrinsèque de l’exigence qui doit  animer les cœurs et la conscience des hommes et des femmes dans l’espace public socio-politique.

 

Ce sont ces valeurs prônées par le Coran d’une Qîwâmah de justice qui doivent être enseignés dans les cursus islamiques, dans l’éducation morale des musulmans et musulmanes, qui semblent avoir oublié ces principes fondamentaux de l’éthique coranique, pour ne s’accrocher dès lors qu’à une pratique religieuse vidée de son âme.

 

Un décalage entre la pratique religieuse et l'éthique islamique

 

On assiste ainsi à l’instauration d’un  décalage abyssal entre la pratique religieuse et l’ensemble de l’éthique islamique qui semble s’approfondir jour après jour à travers le monde musulman et qui réduit toute la grandeur de cette dernière révélation monothéiste à une simple tradition religieuse ritualiste et formaliste à l’excès.

 

Un hadith du prophète affirme qu’une heure de justice ('adl) équivaut à soixante ans de pratique religieuse ('ibâdât)[4]. Le rituel religieux, tout en gardant son importance  dans la vie des pratiquants, reste avant tout l’aspect extériorisé d’une spiritualité qui n’a de valeur que quand elle a pour aboutissement une conduite morale conçue et accomplie  dans la rectitude et le don de soi. S’acharner à maîtriser une pratique religieuse rigoriste sans avoir conscience des valeurs coraniques comme, entre autres,  cette Qîwâmah de la justice et de l’équité, c’est amputer cette religion d’une grande partie de sa raison d’être[5].

 

Ces deux versets correspondent donc à la vision d’une « Qîwâmah générale », « al Qîwâmah al 'âmma » que les femmes et les hommes sont sensés appliquer dans l’espace public et qui constitue une dimension spirituelle fondamentale de l’éthique coranique[6].

 

Concernant le verset 4 /34, il affirme ce qui suit: « Les hommes sont « qawâmûn » sur les femmes en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur ceux-là (ba'da-houm 'alâ ba'd) et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs biens. » (mettre deux points sous les « d »)

 

Le terme « qawâmûn » est dans la majorité des cas, traduit par « autorité » ou « direction » : « les hommes ont autorité sur les femmes » ou encore « les hommes ont la charge et la direction des femmes ». C’est cette signification « d’autorité » qui revient dans pratiquement toutes les interprétations qu’elles soient classiques ou contemporaines.

 

Dans toutes les interprétations relevant de l’exégèse classique, les tafsîrs, ce concept est traduit comme étant un « privilège » donné à l’époux et une faveur divine accordée à l’homme, voire à tous les hommes.

 

Pour l'exégèse classique, la prédisposition naturelle de l'homme à détenir l'autorité

 

La majorité des exégètes ont interprété ce concept de « qawâmûn » comme étant la prédisposition naturelle de l’homme à être le « chef » de la femme  (ra'îsu-ha), son supérieur (kabîtu-ha), celui qui la dirige (al-hâkimu 'alay-ha) (mettre un point sous le »h »), celui qui a le droit de la « corriger » si elle s’écarte du droit chemin (al mu'addibu-ha idha 'awijat)[7] .

 

D’autres commentateurs, parlent de « l’emprise ou de l’hégémonie des hommes sur la vie morale des femmes[8] » (musallitûn 'alâ adab al-nisâ') (mettre un point sous le « t »). Les hommes ont un droit de « domination » sur les femmes (musaytirûn 'alay-hîna(rajouter un point sous le « t »)dans toutes les sphères de la vie sociale[9].

 

Certains commentateurs vont aller jusqu’à comparer l’épouse à une prisonnière ou une esclave qui devrait être sous l’autorité d’un  mari  décrit comme détenant le pouvoir absolu[10].

 

Tous s’accordent donc à privilégier l’homme, au delà de son rôle d’époux, par cette « préférence » (bimafadala) octroyée par le Créateur et la suite du verset en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur ceux-là (ba'da-houm 'alâ ba'd) (mettre un point sous les « d ») est généralement traduite par « ceux ci sur celles ci» ou dans d’autres traductions par « en raison des avantages que Dieu leur (les hommes) a accordés sur elles ». Ce qui pour certains équivaut à confirmer la supériorité incontournable  de tous les hommes sur toutes les femmes.

 

Dans ces mêmes Tafasîrs et chez la grande majorité des exégètes la « prééminence » des hommes est justifiée par une série « d’aptitudes » qui font que, par la force des choses et de la nature, les hommes sont considérés comme supérieurs aux femmes. 

 

Il est très intéressant de survoler les critères avancés par les différents exégètes traditionnels pour percevoir l’état d’esprit qui a forgé, à travers le temps, des normes doctrinales qui justifient culturellement et religieusement, jusqu’à aujourd’hui,  la supériorité des hommes sur les femmes.

 

Voici quelques exemples de cette prolifique argumentation mentionnée dans la plupart des sources d’exégèse classiques.

 

Les hommes sont naturellement plus doués de raison que les femmes. Chez ces dernières, la raison est plutôt déficiente du fait de leur excessive émotivité et leur tendance à résoudre les problèmes sous l’influence de l’émotivité et non par la raison.

 

Ce sont les hommes qui occupent les postes de haute responsabilité politique et juridique tel que la haute commanderie, la gouvernance et la magistrature.

 

Seuls les hommes peuvent prétendre à l’imamat dans la prière, le prêche du vendredi, le témoignage, et la fonction de Muezzin.

 

Les hommes sont plus portés vers l’érudition, la sagesse d’esprit et l’apprentissage des sciences que les femmes. La faiblesse constitutionnelle des femmes est un attribut naturel du à leur constitution physique et biologique[11].

 

Ce sont là quelques exemples des justificatifs sur lesquels les exégètes ont fondé l’essentiel de leur argumentaire concernant la prééminence naturelle des hommes sur les femmes. Voilà comment les anciens commentateurs ont déduit que les femmes étaient structurellement inférieures aux hommes et que la Quiwamah des hommes sur les femmes ne pouvait être que la confirmation coranique de toutes leurs suppositions.

 

Une interprétation herméneutique patriarcale

 

Ce verset a été, sans conteste, LE verset à partir duquel l’interprétation herméneutique patriarcale a façonné  tout son modèle de la famille en islam. Tous les autres versets coraniques, voire tous les textes se référant aux femmes, ont été lus à travers ce concept, vu et compris comme étant « un droit » des hommes sur les femmes.

 

Ce verset a donc été interprété comme un commandement octroyant à l’homme le droit d’être le « chef absolu » de la femme en lui conférant ainsi une autorité morale et matérielle tout aussi absolue. Etant donné que les hommes ont l’obligation d’entretenir toute la famille, y compris l’épouse, cette dernière est supposée être par conséquent et par reconnaissance, soumise à cette autorité masculine.  C’est la logique du contrat de mariage retrouvé dans les traités de droit musulman et qui confirme que l’époux a tous les droits sur sa femme, qui lui appartient à l’instar d’une marchandise qu’il a acquis corps et âme, du moment qu’il assure la « Nafaqa », à savoir la charge financière de la famille .

 

L’interprétation abusive de cette notion de al-Qiwâmah, dans les compilations classiques a légitimé une supériorité effective des hommes, qui, elle-même, a cautionné  l’obligation d’obéissance de la femme à son époux, désignée en arabe par tâ'a[12].  Ce sont al-Qiwâmah et son corollaire le principe d’obéissance tâ'a, pure production juridique,  qui ont favorisé la floraison  de toute une littérature religieuse dépréciative envers les femmes et qui ont entravé la mise en œuvre juridique et sociale de l’esprit libérateur du message coranique concernant les femmes et leur statut au sein du couple et de la famille.

 

Il serait important de rappeler à ce niveau que l’interprétation de ce concept de Qiwâmah, avec ses effets négatifs sur le statut social des femmes, a été imaginée et élaborée, dans le cadre d’une réappropriation politique dont les objectifs s’étaient   très éloignés de la dimension émancipatrice telle qu’elle fut véhiculée par le message du Coran.

 

En effet, alors que la Révélation incitait les croyants à libérer les esclaves, et surtout parmi eux les femmes, et considérait cette libération comme un acte profond de piété,  quelques temps après, conquêtes islamiques aidant, c’est à une véritable régression que l’on va assister puisque le recrutement des jâryât ou femmes esclaves va devenir le signe de la richesse des gouvernants et de leur opulence invétérée[13].

 

Et c’est à travers ces nouvelles normes sociales, comme la présence de jâryât cloitrées dans les palais et la confiscation de la Shûra (concertation) politique au détriment de l’autocratie, que les exégètes et fuqahâ' (juristes) vont interprété des concepts comme celui de la « Quiwamah » érigé en « sulta » ou autorité de l’époux.(mettre un point sous le « t »)

 

Un concept interprété selon la grille de lecture de la « hâkimiyya »

 

En effet, influencé par les conjonctures sociales patriarcales d’une part et la dimension politique de l’époque d’autre part, ce concept a donc été interprété selon la grille de lecture de la « hâkimiyya » (mettre un ponit sous le »h ») autrement dit de la gouvernance politique puisqu’on  a délibérément comparé l’époux au « hâkim » (mettre un point sous le « h ») c’est à dire au Chef de l’Etat.  La gouvernance politique se faisant sous le mode de l’autocratie et du despotisme politique, al-Qiwâmah , par extrapolation devenait, par la force des choses, synonyme de despotisme familial (tasallut) (mettre un point sous le deuxième « t »), terme que l’on retrouve dans l’explication classique d’al-Qiwâmah[14].

 

Pour « relire » ce verset, il faudrait donc tout d’abord revenir au sens accordé au terme « qawâmûn  et qui a toujours été traduit par autorité. Selon le contexte du verset « Les hommes sont « qayâmûn » sur les femmes en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur ceux-là (ba'da-hum 'alâ ba'd) (mettre des points sous les « d ») et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs biens. » . Le terme Qawâmûn ici veut dire ici plutôt « pourvoir » ou « subvenir » ce qui est conforté par la suite du verset qui parle de « dépenses que les hommes font de leurs biens ». Les hommes donc « pourvoient » ou « subviennent » aux besoins de leur épouse et de leur famille.

 

Nous sommes ici au cœur d’une dimension coranique qui doit être parfaitement assimilée afin de mieux comprendre tous les principes qui en découlent. En effet, il s’agit là de l'exemption octroyée aux femmes quant aux charges financières familiales. Le Coran ne fait que se placer dans le contexte général et culturel de l’époque qui était, rappelons-le, aussi celui de toutes les autres sociétés et dans lequel la responsabilité financière de la famille reposait en général sur les épaules de l’époux considéré ainsi dans pratiquement toutes les cultures comme étant le responsable de la famille. C’est l’image classique d’une hiérarchisation sociale universelle qui perdure, ne serait-ce que dans les mentalités, et ce malgré les grandes métamorphoses socio-économiques survenues dans le monde.

 

Il faudrait aussi attirer l’attention sur  la suite du verset « bimâ fadala ba'da-hum 'alâ ba'din » (mettre des points sous les « d ») qui est souvent interprété par : « en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci », or en réalité la traduction littérale serait : « en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur ceux-là », autrement dit, les faveurs accordées à certains hommes ou femmes par rapport à d’autres hommes ou femmes, ou sinon on aurait eu : « bimâ fadala ba'da-hum 'alâ ba'di-hima ». C’est ce qu’explique l’Imam Mohammed Abdouh qui affirme que ce verset stipule que « certains hommes sont favorisés par rapport à certaines femmes et que certaines femmes sont favorisées par rapport à certains hommes »[15]. Il s’agit là d’une préférence mutuelle ce qui correspond beaucoup plus à l’esprit d’équité du Coran et à la réalité des sociétés humaines.

 

Quand on replace donc le verset dans son contexte, quand on le relit à la lumière des autres versets et notamment des concepts coraniques relatifs au mariage, on s’aperçoit qu’al-Quiwamah n’est pas un privilège accordé par le Créateur aux hommes mais plutôt  une contrainte dans la mesure où l’époux se voit assigné une responsabilité matérielle, celle de pourvoir aux besoins de son épouse et de sa famille.

 

Al-Quiwamah n’est pas un honneur (tashrîf) mais c’est une responsabilité (taklîf) à l’inverse de ce qui a été rapporté par les interprétations patriarcales et dont on a déduit la supériorité innée des hommes.

 

Sayyid Qutb, (mettre un point sous le « t » de Qutb) va replacer ce concept dans le cadre strict de l’institution du mariage ce qui conforte cette notion de qiwâmah  khâssa  ( mettre des points sous les « s » de khâssa)ou privé[16]. En effet, il stipule que ce verset doit être lu à la lumière de cette institution conjugale et il affirme que « la faveur » (al-fadl) (mettre un point sous le « d » de fadl) accordée à l’époux est dûe à la responsabilité financière qui lui incombe, tout en rappelant qu’en contrepartie il ne s’agit pas pour l’épouse d’obéir mais il s’agit plutôt du respect des deux partenaires à l’engagement conjugal[17].

 

D’autres commentateurs contemporains, à l’instar de l’Imam Abdouh ou Mohammed Shaltut, vont quant à eux interpréter ce concept comme un « surplus » de responsabilités pour les hommes. Al-Qiwâmah accordée à l’époux l’est non pas parce qu’il est un homme mais seulement en fonction de ses capacités de gestion et d’entretien financier du foyer familial. Ce qui revient à dire que si cette capacité d’entretien revient dans un couple à l’épouse, ce qui est le cas actuellement dans nos sociétés modernes, elle est tenue d’exercer cette Qiwâmah et donc il n’y a aucune exclusivité masculine à ce sujet[18].

 

Pour déconstruire toute cette confusion sémantique construite autour de la Quiwamah des hommes il faudrait tout d’abord commencer par la limiter au sein du foyer conjugal. Cette « responsabilité matérielle» qui incombe à l’homme correspond à la gestion du foyer familial et par conséquent, cette notion reste spécifique à ce contexte précis de la vie conjugale.

 

Cette Quiwamah privée est censée se dérouler à l’intérieur de la cellule familiale et ne concerne aucunement la sphère socio-politique publique qui, comme on l’a déjà vu doit être gérée, selon le Coran, par les femmes et les hommes selon les critères de l’équité et de la justice.

 

Tenir compte de l'intégralité du texte coranique

 

Il est donc impossible d’accéder à une interprétation objective du verset qui parle d’al-Qiwâmah, si on ne tient pas compte de l’intégralité du texte coranique et de  l’ensemble des versets, qui,  oncernant les femmes, ont stipulé, l’égalité et instauré une véritable dynamique d’autonomie des femmes, impensable pour le contexte social aussi bien conjoncturel  que mondial de l’époque.

 

Al- qiwâmah, ici,  doit être donc lue dans le cadre référentiel du mariage, autrement dit en parallèle avec des notions telle que al- Ma'rûf ou « bienséance » qui revient dans différentes injonctions coraniques destinées aux hommes, comme celles qui ont trait à la vie conjugale, au divorce, à l’allaitement ou à la cohabitation sociale. Toutes ces injonctions ayant comme objectif, de changer radicalement le comportement social des hommes de l’époque envers les femmes en y introduisant ce principe éthique de la « bonne conduite » -al Ma'rûf- comme principe fondamental dans la relation entre les hommes et les femmes[19].

 

Faudrait-il rappeler que ce concept précurseur d’al –Ma'rûf revient plus de vingt fois dans le Coran, à la différence d’al-Qiwâmah qui n’est mentionné qu’une seule fois,  dans ce sens, et qui, tout étrange que cela puisse paraître, a pris, dans sa conception littéraliste, des proportions démesurées dans l’esprit et la mentalité arabo-musulmane, en comparaison avec al- Ma'rûf qui semble ne pas avoir imprégné les esprits !

 

Il faudrait aussi savoir relire la Qiwâmah privée concomitamment avec les autres versets en relation  avec la vie familiale comme  ceux qui incitent maris et femmes au partage des responsabilités et à l’entraide mutuelle – awliyâ' ba'du-hum min ba'd  (mettre des points sous les « d »)-  à l’amour et la tendresse – rahma wa mawadda – et surtout à l’entente et à la consultation réciproque – tashâwur wa tarâdi[20]. (mettre un point sous le « d »de tarâdi)

 

On ne peut ainsi lire le verset qui parle d’al-Qiwâmah et qui semble, selon l’interprétation classique dominante, donner des prérogatives aux hommes, sans avoir au préalable pris en considération, une autre obligation primordiale du Coran et qui est celle de la justice ('Adl) préconisée tout au long de la révélation comme un préalable indispensable à toute relation humaine.

 

Comment pourrait-on, dès lors et après avoir réinséré ce concept d’al-Qiwâmah dans le cadre de référence du mariage selon les principes coraniques, accepter l’argumentaire de l’autorité absolue du mari, de la soumission aveugle de l’épouse, de l’hégémonie conjugale de l’époux ?

 

Comment pourrait –on encore accepter des justifications sur la faiblesse naturelle et l’infériorité des femmes ou admettre des théories encore en vogue, dans les discours islamiques actuels, qui voient en toute femme, un être dénué de raison et dont la seule vocation est de « satisfaire » un époux privilégié par le seul fait qu’il soit un homme ?

 

Comment évaluer toutes ces affirmations discriminatoires à l’aune de l’exigence de justice du Coran, de l’obligation de la concertation conjugale, de la responsabilité mutuelle, de l’amour réciproque , de la générosité et du don de soi partagé ?

 

Al Qiwâmah, n’est donc pas cette supposée « autorité » promulguée à l’époux mais bien cette responsabilité de l’entretien du foyer conjugal qui est représentative d’un cadre familial commun à toutes les cultures et connue depuis la nuit des temps. Un cadre social où l’homme, époux, père ou autre, a la responsabilité, voire l’obligation et le devoir, de subvenir aux besoins de sa famille, et même de tous ses proches qui sont dans le besoin.

 

Cette implication de l’homme dans la gestion du foyer conjugal était une manière d’équilibrer certaines tâches au sein du couple, ce qui permettait aux femmes, surtout celles d’entre elles qui étaient en âge de procréer, d’élever leurs enfants sans contrainte aucune.

 

Il est à préciser qu’aucun verset coranique ne vient répartir des tâches spécifiques ou assigner des fonctions particulières à l’un des deux sexes ni même suggérer le fait que le travail domestique soit du ressort inaliénable des femmes, comme le pensent de nombreux musulmans. Il n’y a pas un seul verset qui parle dans ce sens.

 

Le Coran, à travers ce concept d’al-Qiwâmah, insiste sur cette responsabilité financière des hommes dans le cadre de la vie conjugale notamment dans les périodes de vulnérabilité physiologique où les femmes - pendant la grossesse, l’accouchement et la période de l’allaitement – ont besoin qu’on leur assure un minimum d’aide et de soutien aussi bien moral que matériel.

 

Comprendre le contexte de l'époque

 

Al- Qiwâmah , telle que stipulée dans le Coran était, avant tout, une manière d’offrir aux femmes, surtout dans le contexte de l’époque, mais tout autant valable de nos jours, une mesure de protection financière supplémentaire surtout en période de maternité et d’allaitement, autrement dit de leur assurer une mesure compensatoire  durant ces périodes de vulnérabilité physiologique.

 

En effet, dans le contexte d’une vie conjugale, l’épouse est le plus souvent responsable de la maternité et de l’allaitement et le mari se voit confier la responsabilité de fournir le soutien matériel nécessaire afin d’équilibrer justement les tâches au sein de la gestion du foyer familial.

 

Tout l’esprit du Coran réside donc dans cette importance à assurer les conditions nécessaires à la « protection » des plus vulnérables, femmes mais aussi enfants et personnes âgées, qui ne doivent jamais se retrouver dans le besoin et ce quelques soient les circonstances sociales.

 

D’où cette charge qui incombe prioritairement à l’époux et qui l’oblige à remplir cet engagement et ce quelque soit le statut social et matériel de l’épouse, riche ou pauvre, sa fortune lui étant préservée dans tous les cas.

 

C’est là une règle générale dans la vision coranique qui octroie aux femmes  prioritairement ce droit de se prémunir contre toute infortune. Quel que soit le revenu ou la profession qu’exercent les femmes, elles ont cet avantage de pouvoir continuellement bénéficier d’un soutien financier familial.

 

Cela rejoint en quelque sorte certaines revendications féministes actuelles qui insistent sur le fait que les femmes ont droit de facto à un traitement égal dans toutes les sphères de la vie sociale et parce qu’elles sont des femmes elles nécessitent des dispositions supplémentaires en matière de maternité et de santé reproductive et ce pour assurer que cette égalité soit possible.

 

Cette disposition supplémentaire c’est cette « Qiwâmah » qui assure lors de la vie conjugale une « sécurité » morale et matérielle à l’épouse du fait de ses responsabilités spécifiques mais qui a été, malheureusement, traduite de façon erronée par « autorité de l’époux ». La responsabilité financière a  été comprise dans la lecture patriarcale comme étant un privilège accordé à l’homme.

 

Un concept qui évolue avec le temps

 

Il faudrait savoir aussi reconnaître et à l’instar d’autres concepts coraniques, que l’interprétation d’al-Qiwâmah tend à évoluer avec le temps, ceci, d’autant plus que l’assignation à des rôles sociaux spécifiques, n’a jamais été établi par le Coran. Ce concept doit donc être réinterprété devant les impératifs pratiques de nos temps modernes où les deux époux sont confrontés à une réalité quotidienne dans laquelle la co-responsabilité financière devient un fait évident, par la force des choses.

 

La Qiwâmah privée, au sein de la famille, est-elle toujours en mesure d’être prise en charge uniquement par l’époux aujourd’hui dans la précarité du monde du travail et de tous ses aléas ?

 

Elle devrait sûrement être actuellement comprise aussi dans le cadre de la responsabilité générale partagée dont parle le Coran dans son éthique du mariage. Une Qiwâmah, qui devrait être comprise et réinterprétée, comme une Qiwâmah de soutien mutuel et de responsabilité partagée. Elle serait, en effet, plus opérationnelle dans nos sociétés actuelles où les classes moyennes sont en expansion et où maris et femmes mettent leurs efforts en commun afin d’assumer ensemble la charge économique de la famille et la gestion quotidienne du foyer familial[21].

 

 

Il est évident donc que ce que l’on devrait aujourd’hui retenir, c’est le refus catégorique de réduire toutes les dimensions du concept d’al-Qiwâmah à la présupposée autorité de l’époux, qui, comme on l’a vu, reviendrait en fait  à enfreindre les principes spirituels du message coranique concernant l’éthique de l’union conjugale.

 

La Qiwâmah, dans le Coran, est un principe fondateur de l’égalité entre les hommes et les femmes puisque ce concept permet de compenser la fragilité des rapports de force inhérents à toute relation conjugale. Et à travers cette Qiwâmah, c’est à un même idéal d’égalité, sans cesse renouvelée,  vers lequel le Coran nous renvoie, afin que nous puissions le mettre en œuvre en tout temps et tout lieu.

 

En conclusion et à l’instar de cette relecture du concept d’al –Qiwâmah , de nombreux autres concepts coraniques, sources de discrimination envers les femmes du fait de l’interprétation patriarcale, doivent être relus et revisités à la lumière des finalités de justice et d’égalité telles que prônées par le Coran. 

La relecture féminine et réformiste, espoir de renouveau de la pensée musulmane

Cette relecture féminine et réformiste constitue sans conteste l’un des grands espoirs de l’édification d’une nouvelle pensée musulmane au sein des sociétés arabo-musulmanes d’aujourd’hui.

Les dynamiques de changement vécues actuellement dans une grande partie des pays musulmans confirment le fait que le réformisme musulman ne peut avancer sans l’instauration de véritables espaces de liberté. La question des réformes religieuses, notamment celles concernant la thématique des femmes, reste fortement liée à l’exercice d’un véritable pouvoir démocratique qui respecterait tous ses citoyens, les femmes comme les hommes ; il serait certes illusoire de prétendre analyser isolément la thématique des femmes sans tenir compte de la globalité des problèmes politiques qui minent profondément les sociétés musulmanes.

C’est en travaillant sur ces deux volets, démocratie et réformisme religieux, que les transformations socio-culturelles peuvent avoir des chances de véritablement se concrétiser dans la réalité du terrain. Et c’est dans ce sens, que cette relecture féminine de l’islam a, aujourd’hui plus qu’hier, dans le contexte des révolutions arabes, toutes les chances de constituer le point de départ d'une véritable et profonde réforme de la pensée musulmane.



[1]

[1] Voir tout le travail réalisé par des femmes musulmanes comme, l’égyptienne Leila Ahmed, la pakistanaise Asma Barlas , la libanaise Aziza el Hibri, l’iranienne Ziba Mir Hosseynni, la marocaine Fatima Mernissi et tant d’autres depuis les années 90. 

 

[2]

[2] Tafsîr Al-Tabarî, vol1, p251, en arabe.   

 

[3]

[3] Supra, d’autres savants, rapportent  une autre version où il s’agirait en fait, non pas de juifs mais d’une tribu polythéiste durant l’année du pacte d’al Hudaybia.

 

[4]

[4] Hadith numéro 12 dans « fadîlat al -'âdilû mina el oulat el adiline » Abi Ennaim, Hadith marfû' .

 

[5]

[5] C’est le constat amer du grand penseur Algérien Malik Bennabi  qui a affirmé dans ce sens :  « L’idéal islamique a sombré dans l’orgueil et particulièrement dans la suffisance du dévot qui croit réaliser la perfection en faisant ses cinq prières quotidiennes sans essayer de s’amender ou de s’améliorer. Il est irrémédiablement parfait …parfait comme la mort ou le néant » , dans « Vocation de l’islam », Editions al Bouraq, 2006, p.126.

 

[6]

[6] De nombreux penseurs contemporains ont ainsi déconstruit cette notion d’al Quiwamah en l’articulant sur  deux dimensions : l’une publique (sociale et politique) et l’autre privée (au sein de l’union conjugale) , voir à ce propos, l’analyse faite par  Heba Ezaat Raouf  dans www.heba-ezzat.com/

 

 

[7]

[7] Voir Tafsîr Ibn Kathir, vol 8, page 350. 

 

[8]

[8] Tafsîr Ibn Abbass du verset 4 ;34 

 

[9]

[9] Tafssir Azamakhchari, “al Kachaf” du verset 4;34. 

 

 

[10]

[10] Ibn el-Qayem al- Jawziya dans I’lam al- muaquini’ine : « al zawj qâhir li-zawjati-hi hâkim 'alay-ha wa hiya tahta sultatihi wa houkmi-hi ka-l 'asîra » 

 

 

[11]

[11] Ces différentes allégations sont retrouvées dans les ouvrages de tafsîr classque,  tel que ceux de Tabari, Ibn Kathir et  al Qurtubî. (mettre un point sous le « t ») Nous passerons sous silence certaines affirmations « ridicules » du genre « les hommes sont supérieurs aux femmes du fait de la présence de la barbe et du turban ('imâma) » !

 

[12]

[12] Faudrait-il rappeler ici que ce concept de tâ'a tel qu’il fût interprété par les juristes dans son sens de « soumission »  de l’épouse à l’époux n’est pas retrouvé dans le Coran mais dans certains Hadiths dits faibles ; voir l’étude faites par Chaimae Assaraf sur un grand nombre de hadith erronés sur les femmes « al-ahâdîth al kâdhiba fî l mar’a » dans « Ahkâm al mar’a bayna l ijtihâd wa l-taqlîd », Dar el Qalam, Paris 2001 , p.341, en arabe. 

 

[13]

[13] Le Coran encourage l’affranchissement des esclaves, voir Coran 2 /177, Coran 90 /13, Coran 9 /60 …

 

[14]

[14] Pour une analyse plus exhaustive de cette perspective politique en islam voir l’étude fondamentale faite par Zayd ben Ali al-Wazir dans « al- Fardiya » , Yemen Heritage& Research Center,  2000.

 

[15]

[15] Tafsîr al–Manar, Imam Mohamed Rachid Rida, vol5, page 56, éditions Dar al kutub al-'ilmiyya, Beyrouth, 1999. 

 

[16]

[16] Voir « Fi zilal al-qur’ân » de Sayyid Qutb, commentaire de Coran 4/ 34. Par ailleurs, d’autres savants musulmans contemporains vont replacer al- Qiwâmah dans le strict contexte de la vie familiale conjugale, à l’instar entre autres, du Dr Hussein FadlAllah dans son interprétation du verset. 

 

[17]

[17]  Ibid.

 

[18]

[18]Dr Mahmoud Hamdi Zakzouk , Ministre des affaires religieuses d’Egypte: « layssa kullu rajul quawâm 'alâ kulli imra'a » dans « 'arad 'alâ shubha » « al-rijal qawâmun 'alâ al-nisâ' » :www.icsfp.com

 

[19]

[19] al-Ma'rûf est retrouvé  à peu près 20 fois dans le Coran : 2 /228 ; 2 ;241 ; 2 :180 ; 2 :178 ; 2 :232 ; 2 :233 ; 2 :233 ; 2 :234 ; 2 :236. 3 :110 ;3 :114 ; 3 :104 ; 4 :19 ; 4 :6 ; 5 :6 ; 7 :157 ; 9 :67 ; 9 ;71 ;9 :112 ; 22 :41 ; 31 :17.  

 

 

[20]

[20] Concepts relatifs à l’union conjugale et  respectivement retrouvés dans le Coran : 9 /71 ;30 /21 et 2 /233.

 

[21]

[21] C’est ce qui explique comment en 2004 le nouveau code de la famille au Maroc a remplacé l’ancienne notion de « l’époux chef de famille » par la co-responsabilité des deux époux et a placé la famille sous la responsabilité conjointe des deux époux, telle que stipulé par le verset 71 de la sourate 9. Il a fallu 14 siècles pour que l’on s’aperçoive que l’on peut tout à fait retrouver dans le Coran des principes universels comme ceux de l’égale responsabilité conjugale. Il est à rappeler que dans la majorité des autres pays islamiques la notion de l’époux chef de famille est toujours de mise dans les  codes du statut familial et qu’elle est bien entendu comprise comme un principe islamique inaliénable !

 

 

 

 

À propos de l'auteur

ASMA LAMRABET

Native de Rabat (Maroc), Asma Lamrabet, exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d'Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.

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